Rétablissement d’un service national obligatoire : 3 à 5 milliards d'euros
Dans le cadre des candidatures à l'élection à la présidence de la République en 2017, certains candidats proposent le rétablissement d'un service national obligatoire sans vraiment en préciser les spécifités ou le budget accordé, pour l'instant. La Fondation iFRAP s'est penchée sur la question et estime que le rétablissement d'un service militaire par classe d'âge de 3 à 6 mois reviendrait à prévoir un budget supplémentaire pour la Défense de 3 à 5 milliards d'euros par an. Explications :
Le rétablissement du service national obligatoire suppose une mobilisation de ressources humaines d'encadrement, financières et matérielles importantes qui, dans un contexte budgétaire tendu, serait difficilement supportable par le ministère de la Défense et par conséquent par l’État qui est engagé dans la réduction des déficits budgétaires.
Sur la base d'une classe d'âge de 750.000 filles et garçons, la population mobilisable est d'environ 380.000 si sont décomptés les effectifs suivants :
- engagés et volontaires (y compris le SMA) dans les forces armées et la gendarmerie : environ 30.000 ;
- engagés dans le service civique, le service volontaire européen (SVE), les sapeurs-pompiers volontaires, le volontariat de solidarité internationale (VSI), le volontariat international en administration (VIA), le volontariat en entreprise (VIE) : environ 34.000 en 2013 avec un objectif de 100.000 proposé pour 20171,
- dispensés, exemptés et réformés (environ 30% d'une classe d'âge sur la base des statistiques des années 1980-1990) et autres situations (EPIDe, SMA, SMV2, mineurs incarcérés et sans domicile fixe...): 240.000
Le coût direct du service national obligatoire d'une durée de 3 mois, soit 4 fractions de contingent de 95.000 appelés chacune et d'une durée de 6 mois, soit 2 fractions de contingent de 190.000 appelés chacune peut être calculé sur les éléments suivants :
- solde mensuelle de 580 euros3, montant équivalent à la prime accordée aux volontaires du service civique ;
- prime d'alimentation journalière (pendant les jours de semaine) : 12 euros ;
- paquetage par appelé : 400 euros ;
- prix d'un voyage aller-retour SNCF par week-end avec une distance de 300 kms : 80 euros.
Coût de la mise en place d'un service national de 3 mois
Coût de la mise en place d'un service national de 6 mois
A ces dépenses, il convient d'ajouter celles relatives à :
- la recréation des centes de sélection des appelés qui, certes, pourraient s'appuyer en partie sur les actuels centres de la direction du service national4 (DSN) du ministère de la Défense (MINDEF) mais qui devraient être renforcés en moyens humains, en infrastructures d'accueil et en matériels, notamment administratifs et médico-sociaux ;
- l'ouverture, le fonctionnement et l'entretien des sites militaires destinés à accueillir ces appelés lors de leur service national alors que le MINDEF s'est engagé depuis la fin des années 1990 à la cession d'un nombre important d'emprises dont les recettes estimées sont intégrées dans les différentes lois de programmation militaire et de finances ;
- la mise en place d'un encadrement de personnels de carrière et sous contrat chargé de l'instruction et du soutien des appelés qui peut être évalué à 30% de l'effectif des appelés, soit environ 100.000 personnels ;
- la mise en œuvre des cycles d'instruction des appelés ;
- l'entretien programmé des matériels servis par les appelés.
Concrètement, le montant des dépenses annuelles peut être estimé à :
- pour la rémunération (hors pension et sans compter les différentes primes et indemnités hors OPEX) des militaires d'encadrement selon les critères de l'Observatoire économique de la Défense (bulletin n° 73 d'octobre 2015 - solde indiciaire mensuelle et moyenne des militaires de carrière et sous contrat : 1 876 euros) : 100.000 cadres x 1.876 euros x 12 mois, soit 2.251.200.000 euros.
1. pour un service national de 3 mois = 30.000 cadres x 1.876 euros x 12 mois, soit 675.360.000 euros ;
2. pour un service national de 6 mois = 55.000 cadres x 1.876 euros x 12 mois, soit 1.350.720.000 euros.
- pour le fonctionnement des bases et services accueillant ces nouveaux appelés qui, en 1994 pour un effectif de 224.000 conscrits, était de 233 millions d'euros par an : environ 395 millions d'euros auxquels se rajoutent les autres dépenses présentées supra (notamment en ce qui concerne les acquisitions d'infrastructures destinées à accueillir ces appelés).
A ces dépenses, il convient aussi d'ajouter les dépenses d'investissement (notamment acquisitions d'infrastructures et matériels) qui peuvent être estimées au regard du volume des effectifs d'appelés à 1 milliard d'euros au minimum :
1. pour un service national de 3 mois : au moins 80 sites accueillant environ 1.300 appelés, (volume d'un régiment) ;
2. pour un service national de 6 mois : au moins 150 sites accueillant environ 1.300 appelés, (volume d'un régiment)
Conclusion
Le rétablissement du service national obligatoire se traduirait par un coût humain, administratif et financier très lourd qui ne pourrait pas être supporté par l’État en période de réduction du déficit budgétaire :
1. pour un service national de 3 mois : entre 2 et 3 milliards d'euros en fonctionnement courant annuel, soit l'équivalent de 2 années de surcoûts OPEX ;
2. pour un service national de 6 mois : entre 4 et 5 milliards d'euros en fonctionnement courant annuel, soit le coût de réalisation d'un porte-avions.
1Confer le rapport de juillet 2014 sur le service civique du président de l'Agence du service civique et de la ministre des Droits de la femme, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports.
2Pour ces 3 organismes, confer la note de l'iFRAP du 26 novembre 2015.
3Sans compter le coût sur les pensions compte-tenu que les périodes de service national d'avant 1997 étaient validées en termes de durée de cotisations de retraite.
4Confer la note de l'iFRAP du 17 mars 2016 sur l'utilité de sa mission.