Actualité

Référendum et RIC : nos propositions

Le Référendum d’initiative populaire est a priori une revendication acceptable dans une démocratie puisqu’elle a pour objet de faire mieux participer le peuple aux décisions politiques. Cette procédure existe d’ailleurs dans la Constitution française, quasiment depuis toujours dans l’histoire de la République. Elle n’est cependant pas organisée de façon satisfaisante, mais dès que l’on essaye de réfléchir dans le détail aux améliorations possibles, on se heurte à nombre d’obstacles. Le premier de ces obstacles vient du risque de conflit avec le programme de gouvernement et de blocage des institutions – qui apparaît clairement dans les revendications de certains des manifestants actuels, et qui est inacceptable.

Les propositions que nous faisons ont pour objet d’élargir les possibilités de recours à la participation populaire directe au niveau national (le niveau local n’est pas examiné ici, mais il est essentiel). Toutefois les précautions que nous prenons pour assurer la viabilité du système seront certainement considérées par certains comme trop restrictives…

Nos propositions :

 

Initiatives

Conditions

Referendum tous sujets

Parlement et/ou gouvernement

Aucune

Referendum modifiant la Constitution

Président de la République

Idem à la Constitution actuelle

Referendum révocatoire

Interdiction

 

Referendum abrogatoire

  • Soutien préalable de 500 000 citoyens, obtenu dans un délai de trois mois à compter de la validation par l’Etat de la question posée, cette validation ne portant que sur le respect des conditions ci-dessus exigées.

 

  • Il ne peut concerner que des textes de portée générale, ayant valeur de loi au sens de l’article 34 de la Constitution.
  • Le référendum ne peut avoir pour objet que de soumettre au vote des citoyens des textes votés par le Parlement. Le référendum ne peut pas résulter en une abrogation partielle de ces textes.
  • Le référendum ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.
  • La procédure est initiée par un comité d’initiative.

Referendum d’initiative populaire

  • Soutien préalable d’un million de citoyens
  • Rédaction de la question par un organisme public.
  • Ne peut concerner qu’un texte de loi.
  • Pas de proposition de création d’impôts ou de taxes.

Le référendum en France

En France, le référendum existe depuis la Révolution. Marqué par une forte empreinte plébiscitaire sous les deux Empires, il a suscité la méfiance sous la troisième et la quatrième République, et a été plus utilisé sous la Cinquième. Il est visé dans la Constitution de 1958 par deux articles principaux, les articles 11 et 89, le second concernant la révision de la Constitution.

L’article 11, de portée générale, prévoit qu’un référendum puisse être organisé, soit à l’initiative du président de la République, soit à celle « d'un cinquième des membres du Parlement, soutenu par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales ». Il ne s’agit donc jamais d’un référendum d’initiative populaire, mais seulement en réalité d'un référendum d’initiative partagée, puisqu'il doit être soutenu par la demande conjointe d’un cinquième des membres du Parlement (185 parlementaires) et d’un dixième du corps électoral (plus de 4 millions d’électeurs). Ces exigences excessives en font d’emblée une procédure extrêmement lourde, qui n’a jamais été mise en oeuvre et a très peu de chances de l’être. De plus, dans le cas où c’est le Parlement qui prend l’initiative, le peuple n'a de chance d'être réellement interrogé que si le Parlement n'examine pas le texte dans les délais prescrits par la loi organique (6 mois selon la loi du 6 décembre 2013).

L’autre question importante concerne les sujets sur lesquels peut porter le référendum visé par l’article 11. Ces sujets, quel que soit l’initiateur de la procédure, sont ainsi définis : « tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ». Il est d’autre part précisé que « l’initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an ».

En résumé, l’initiative exclusivement populaire n’existe pas en France, soit qu’elle ne soit pas prévue en matière constitutionnelle, soit qu’elle ne soit que partagée en matière de loi, et dans ce cas sous l’exigence de seuils de soutien tout à fait irréalistes. D’autre part la liste des sujets autorisés est exprimée de façon ambiguë, mais il faut retenir l’interdiction importante des référendums tendant à l’abrogation des dispositions promulguées depuis moins d’un an, ce qui a pour effet d’interdire la contestation des dispositions budgétaires et fiscales contenues dans les lois annuelles de finances et de Sécurité sociale.

Les revendications des Gilets jaunes

Les Gilets jaunes présentent des revendications qui ne sont pas clairement formulées, mais qui visent globalement à permettre au peuple de participer à l’élaboration et au vote des lois. Certains cherchent aussi à obtenir le droit de révoquer des élus par référendum.

Une distinction capitale doit être établie entre le pouvoir d’initiative donné au peuple, et le pouvoir de mettre à néant une disposition légale existante. Le pouvoir d’initiative n’existe quasiment pas dans les pays européens. En Suisse, la distinction est faite, mais l’initiative ne peut concerner, au niveau fédéral, que la révision totale ou partielle de la Constitution fédérale[1], alors que le référendum « facultatif », ouvert au peuple, ne peut avoir qu’un objet abrogatoire : il ne permet que de voter pour rejeter une loi promulguée, et si 50.000 électeurs le demandent dans les 100 jours de cette promulgation. En Italie, le référendum abrogatoire existe (seuil de 500.000 soutiens), mais est exclu en matière fiscale et budgétaire. Quant au référendum révocatoire, il n’existe nulle part en Europe, sauf au soutien d’initiatives parlementaires de destitution du chef de l’Etat.

Il ne serait pas possible de s’en tenir à réformer le droit d’initiative pour le confier, concurremment avec les parlementaires ou non, au peuple, et à abaisser les seuils de soutien. Le problème des sujets permis pour un référendum est capital. Les partisans du RIC prétendent qu’aucune des objections élevées contre le RIC n’est recevable. Mais le problème essentiel que pose l’usage du référendum n’est jamais examiné par les partisans du RIC, c’est celui de la question posée au peuple et du risque que le succès d’un référendum initié par une opposition populaire vienne contrecarrer la cohérence d’un programme gouvernemental et en rendre l’exécution impossible. Cela peut être le cas par exemple si le référendum a pour objet de bouleverser l’équilibre budgétaire de la loi de Finances de l’Etat ou de la Sécurité sociale. Cette hypothèse n’est pas prise en compte par les partisans du RIC, et on en comprend bien les raisons : il s’agit d’opposants qui voudraient se servir du RIC comme d’un outil de contestation – un plébiscite à l’envers - aboutissant à la démission du chef de l’Etat ou à la dissolution du Parlement. Ceci n’est pas acceptable. Il s’agirait d’un véritable détournement de l’institution. Les élus, président et députés, doivent être capables d’exécuter leur mission pour la durée du mandat qu’ils ont reçu. Pour la même raison ne serait pas acceptable un référendum à objet révocatoire d’un élu.

Propositions

Il y a lieu de distinguer les différents cas pouvant se présenter.

Modification de la Constitution

La procédure existe dans la Constitution française, à l’article 89 (le Général de Gaulle a toutefois utilisé, de façon controversée par les juristes, le référendum de l’article 11 pour ce faire). Il ne semble pas opportun d’en changer les termes pour donner au peuple le droit d’initiative sur ce sujet éminemment grave et qui nécessite la consultation du Parlement, après initiative du président de la République. On peut cependant souhaiter d’instituer l’obligation de recourir au référendum, et supprimer la possibilité existante pour le président de procéder par voie de convocation du Congrès, qui doit se prononcer à la majorité des trois cinquièmes des parlementaires.

Référendum révocatoire

  • Interdiction pour les raisons indiquées ci-dessus.

Référendum à l'initiative du Parlement et/ou du gouvernement.

  • Ce référendum reste autorisé dans les conditions actuelles. 
  • Il est souhaitable que le gouvernement recoure plus souvent à ce référendum à son initiative, y compris en matière fiscale.

Référendum abrogatoire

Ouvert sous les conditions suivantes :

  • Il ne peut concerner que des textes de portée générale, ayant valeur de loi au sens de l’article 34 de la Constitution[2] ;
  • Le référendum ne peut avoir pour objet que de soumettre au vote des citoyens des textes votés par le Parlement. Le référendum ne peut pas résulter en une abrogation partielle de ces textes[3] ;
  • Le référendum ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an ;
  • Le référendum nécessite le soutien de 500.000 électeurs, obtenu dans un délai de trois mois à compter de la validation par l’Etat de la question posée, cette validation ne portant que sur le respect des conditions ci-dessus exigées ;
  • La procédure est initiée par un comité d’initiative composée d’un nombre d’électeurs compris entre un minimum et un maximum fixé par décret.

Droit d’initiative populaire ?

La question peut se poser d’ouvrir cette possibilité, actuellement fermée dans le cadre du droit d’initiative nécessairement partagée. Si le droit était ouvert, des précautions supplémentaires devraient être prises pour ne pas risquer un conflit inextricable avec le programme de gouvernement. Il faudrait au minimum :

  • Fixer un nombre maximum de recours à cette procédure durant une période donnée ;
  • Confier la rédaction ou la correction du texte proposé à un organisme public ;
  • Interdire toute question susceptible de remettre en cause une disposition légale votée depuis moins d’un an, ou qui pourrait se révéler contraire à la Constitution ;
  • Que décider pour les propositions de nature budgétaire ou fiscale ?

La remarque essentielle concerne le caractère impraticable d’une ouverture de l’initiative aux matières fiscales et budgétaires, dans la mesure où les budgets sont votés annuellement et que la règle fiscale est susceptible de changer chaque année. Toute modification par référendum, compte tenu des délais nécessaires, interviendrait trop tard pour être prise en considération, ou pourrait ne pas être prise en compte dans le budget de l’année suivante. Ce qu’a décidé une loi, une loi postérieure peut le défaire. Et même si un référendum pourrait fixer un principe, on ne peut pas, pour des raisons évidentes, demander aux citoyens de régler ne varietur l’application de la loi fiscale dans les détails, notamment d’assiette et de taux de l’imposition, d’autant que ces détails sont fixés dans le cadre d’un budget global dont les diverses dispositions doivent s’insérer dans un ensemble global et cohérent, au surplus valable seulement douze mois. On relève que si la pratique des « State tax ballots » à l’initiative des citoyens est très répandue aux Etats-Unis, elle concerne les Etats individuellement, non l’Etat fédéral. Pour ces raisons, nous estimons que le droit d'initiative populaire devrait exclure les propositions tendant à créer des impôts ou des taxes.

  • Fixer un nombre de soutiens requis plus élevé que dans le cas du référendum abrogatoire.

[1] La Suisse est un Etat fédéral, ce qui implique deux niveaux de lois, celui des cantons et de la Fédération, et deux niveaux de procédures selon les cas. L’initiative populaire exige un délai de 18 mois entre l’acceptation par les autorités de la question posée et la consultation du peuple !

[2] Ce qui exclut en particulier les actes de valeur inférieure, car l’exécution des principes de la compétence de la loi ne peut relever que du pouvoir exécutif.

[3] Afin d’éviter un « saucissonnage » rendant le texte incohérent.