« Ma santé 2022 » : où est la transformation ?
Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement, lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 4/10 sur la réforme du système de santé.
Ma santé 2020 est un texte de loi présenté par le gouvernement avec l’ambition de transformer le système de santé français. Si ce texte comporte des mesures qui vont dans le bon sens, dans la réalité, ce texte s’inscrit d’abord en pleine continuité avec les lois précédentes, ne générant en rien une véritable transformation du modèle à la hauteur des enjeux.
En effet, alors que notre système de santé doit faire face à plusieurs chocs (démographique, épidémiologique, thérapeutique et technologique), les mesures portées par le gouvernement sont davantage des ajustements que des transformations profondes.
Les bons points sont les suivants:
- Modulation du numérus clausus en fonction des besoins des territoires en médecins sur décision conjointe de l’université et de l’agence régionale de santé et remplacement du concours couperet de première année par une orientation-sélection progressive sur une période de 3 à 5 ans. On ne peut en revanche que regretter que ces besoins ne soient pas également définis par les régions, pourtant en charge de la formation initiale des professionnels de santé. Une fois de plus le clivage entre médecins et non médecins est entretenu, à rebours des besoins des patients et des aspirations des professionnels de santé ;
- « Création » de 500 hôpitaux de proximité avec pour objectif de faire travailler dans ces petits hôpitaux qui ne pratiqueront ni chirurgie ni obstétrique à la fois des médecins hospitaliers et des médecins libéraux. En gros de petits hôpitaux publics pour des consultations et soins courants qui entreront en concurrence avec les cabinets de groupe et les maisons de santé ;
- Financement de certains actes dans les hôpitaux non plus exclusivement à l’activité (T2A) mais selon des « séquences de soins ». Le concept est séduisant mais le partage des responsabilités et des revenus entre différents intervenants est très délicat. L’objectif du gouvernement est ici de réduire de 20% la part du financement à l’activité dans les hôpitaux pour le remplacer par un financement à la qualité et aux missions réalisées ;
- Création d’un contrat unique pour attirer les médecins libéraux pour travailler à l’hôpital et faire baisser le coût exorbitant de l’intérim ;
- Renforcement de la télémédecine et ouverture des données de santé.
Pourquoi, malgré ces avancées, la transformation de notre système de santé n’est-elle pas au rendez-vous ?
- La réforme tourne autour du pot concernant l’hôpital : le contrat unique pour les médecins libéraux est un pis-aller pour faire oublier que c’est le statut public des agents des hôpitaux, médecins ou non, qu’il faut transformer en contrat (la loi fonction publique le permettra uniquement pour les postes de dirigeants). Surtout, cette réforme n’aborde pas la question du statut des hôpitaux qui apparaît aujourd’hui comme un obstacle à la modernisation de ces structures ;
- La réforme ne régionalise pas plus la régulation du système de santé et ne donne pas plus d’autonomie de gestion aux hôpitaux. Ainsi, le mythe de l’efficacité d’un système centralisé reste entretenu ;
- La réforme ne revalorise pas suffisamment et ne responsabilise pas plus la médecine de ville ;
- La réforme ne débloque pas vraiment la télémédecine puisque la CNAM exige que l’on ait déjà consulté au moins une fois un médecin pour pouvoir se faire rembourser ensuite une téléconsultation. Les derniers éléments de bilan présentés par la CNAM confirment le démarrage très timide de la télémédecine en France ;
- La réforme ne remet pas en question le double étage CNAM / complémentaires obligatoires de santé qui coûte si cher à la France (16 milliards de coûts de gestion par an) alors que de nombreux pays (Allemagne, Pays-Bas, Suisse…) pratiquent la concurrence des caisses qui offre le choix à l’assuré, fait baisser les coûts de gestion et entraîne l’évaluation de la qualité des soins. De la même manière le double pilotage État/Assurance-maladie reste entretenu, avec le risque maintenu d’une politique de santé comportant plusieurs acteurs en concurrence.
Encore beaucoup à faire pour la vraie « transformation » de notre système de santé.