«On peut taxer moins le travail sans surtaxer le carburant et le chauffage»
Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 2/10 sur la hausse de la fiscalité environnementale.
Face à la hausse du prix des carburants, la grogne monte chez les Français. En 2013, la taxe sur les produits pétroliers (TICPE, pour «Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques») s'élevait à 42,8 centimes sur le litre de gazole et 60,7 centimes sur le litre de super sans plomb 95. En 2018, ces taxes sont respectivement de 59,4 et 68,3 centimes. L'année prochaine, il est prévu que la taxe sur le gazole augmente de 6,5 centimes, et celle sur le super de 2,9 centimes. Mais il faut remarquer que, d'ores et déjà, une partie importante des distributeurs vend le gazole plus cher que le super 95 : la plupart des points de vente ont dépassé 1,5 euro le litre. Jusqu'à présent, la modération du prix du baril depuis 2015 avait masqué l'augmentation des taxes (qui sont indépendantes de l'évolution du prix du brut mais pas des volumes livrés).
51 milliards de fiscalité verte en 2016… 62 en 2019
Le poids de la fiscalité dite environnementale est en forte hausse depuis 2016. Problème, la plupart de ces taxes présentées comme «vertes» ne financent pas la transition énergétique.
Cette fiscalité aura augmenté en 2019 de 11,3 milliards d'euros en quatre ans, dont 4,92 milliards prévus entre 2018 et 2019. Une augmentation principalement soutenue par la hausse de la TICPE liée à la convergence diesel-essence, à la montée en puissance de la composante carbone et à la suppression partielle de la niche du gazole non-roulant. Seulement, sur une augmentation de 3,9 milliards d'euros prévue pour le TICPE, seulement 80 millions d'euros seront reversés sur le Compte d'affectation spécial (CAS) Transition énergétique, un fonds dédié.
En effet, la variation de la collecte de la TICPE profite quasi-exclusivement… au budget général de l'Etat pour 3,7 milliards d'euros. Vient ensuite l'agence de financement des infrastructures de transport, avec 200 millions, puis la transition énergétique, avec 100 millions d'euros environ. D'ailleur, en 2016, 800 millions d'euros des crédits affectés à la transition énergétique n'ont pas été utilisés.
La TICPE est bien devenue une variable d'ajustement pour les finances de l'Etat
Ainsi, l'affichage selon lequel la hausse des recettes de la TICPE entre 2018 et 2019 servirait à financer la mission Ecologie, développement et mobilité durable, est faux. D'ailleurs, celui-ci ressortait à 10,39 milliards de crédits de paiement en 2018 et a seulement 10,62 milliards en 2019. Il n'y a donc pas de recyclage des recettes de TICPE dans des dépenses environnementales supplémentaires (sauf à élargir le financement au périmètre du ministère tout entier, dont le budget est annoncé en hausse de 1 milliard à 34,2 milliards d'euros, mais là encore le compte n'y est pas, de près de 2,7 milliards). Son augmentation est donc avant tout une opération de pur rendement fiscal. Et quel que soit le prix des carburants, les Français devront s'en acquitter.
Les parlementaires de la majorité, qui se rendent compte du caractère explosif de l'augmentation qui arrive pour 2019, proposent en catastrophe des chèques pour aider les Français modestes à payer leur carburant, et le gouvernement une nouvelle prime à la casse pour changer de voiture. Mais pour acheter quoi ? De l'essence ou du diesel ? Le président de la République annonce une aide pour ceux qui font plus de 30 km pour se rendre sur leur lieu de travail. Des aides (et donc des dépenses) pour palier des hausses d'impôts. C'est ubuesque.
La position du gouvernement risque bien de se révéler non tenable. Si le prix du baril reste haut, il ne pourra que renoncer à l'augmentation de la taxe sur les carburants prévue pour 2019. Et trouver des économies pour financer la perte en recettes.
Rien qu'en supprimant la possibilité de partir avant 62 ans dans la fonction publique, et en en faisant de même avec les régimes spéciaux, on arrive rapidement à plus de 2 milliards d'euros d'économies. Et il existe bien d'autres pistes… Si, si, on peut taxer moins le travail sans surtaxer les déplacements et le chauffage des Français…